Auguste Caremil du 111e R.I. (2/4)
SUITE 2/4
Voir Carémil 1/4
Résumé:
Dimanche 13/09 : BAR-LE-DUC à VASSINCOURT, nous poursuivons l'armée allemande que nous avons mise en déroute à VASSINCOURT, REMBERCOURT 15h30 BLANZEE nous marchons depuis le matin et nous continuons toujours. Enfin après avoir traversé maints villages complètement brûlés et pillés (c'est un spectacle lamentable) nous croyons toucher au but et nous reposer, il est 18h00. Nous recevons l'ordre de revenir en arrière pour cantonner dans un autre pays, c'est 5 km de plus à faire, nous les faisons très lentement à cause des troupes qui viennent en sens inverse. Nous finissons par passer la nuit en plein champ sous la pluie, je suis éreinté.
Auguste Caremil
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Lundi 14/09 : Réveil à 03h00 et départ. Nous croyons marcher sur VERDUN et nous changeons de route. Enfin après huit heures de marche nous arrivons à BLERCOURT. Trempés, nous avons de la paille et du foin dans une grange. En profiterons-nous ?
Mardi 15/09 : Nous avons couché à BLERCOURT. Nous quittons notre cantonnement à 06h00 et nous marchons à travers champ jusqu'à GERMONVILLE, nous sommes depuis trois quarts d'heure au repos devant le village sans pouvoir y aller. Il y a avec nous presque un corps d'armée, nous attendons les ordres. Nous partons et nous venons coucher à MARRE.
Mercredi 16/09: nous devions coucher hier mardi dans les champs, heureusement pour nous, l'ennemi a été arrêté par les autres armées qui devaient le rabattre sur nous. Nous sommes en ce moment sous les forts de VERDUN. Entre MALANCOURT et CUMIERES, il est 16h00 et nous n'avons pas encore bougé bien que les obus fassent rage autour de nous. Un capitaine d'artillerie et trois artilleurs sont l'un tué et les autres blessés. Le 112e a été atteint sérieusement et il n'est pas éloigné de nous. Il paraît que nous devons cette grêle d'obus à un espion qui a été pris à CHATTANCOURT entrain de faire des signaux à l'ennemi.
Jeudi 17/09 : Nous avons passé la nuit en plein air, il faisait vraiment très froid. Ce matin la compagnie reçoit l'ordre d'aller occuper une ferme appelée "le Moulin", voisine de BETHINCOURT. A l'approche de la ferme les obus pleuvent et nous sommes obligés de rentrer sous bois, ensuite nous allons occuper notre poste un par un. Là, je reçois une mission spéciale, il faut que j'aille avec quatre hommes dire au capitaine de la deuxième compagnie qui occupe BETHINCOURT que nous sommes ses voisins. Le village est en flamme, comme nous arrivons à sa hauteur une vive fusillade nous arrête, les mitrailleuses donnent et nous sommes obligés de nous coucher sur le chemin. Les canons allemands partent devant nous à faible distance et leurs obus éclatent à 20 m derrière nous. Enfin notre artillerie s'en mêle et après un long quart d'heure de canonnade nous pouvons en rampant atteindre le village. Tout brûle ici, nous passons dans les rues au milieu des flammes. Poulets, cochons, vaches courent pêle-mêle et nous ne trouveront qu'un bon pauvre vieux qui n'a pas pu abandonner le pays. Je n'ai pas encore trouvé le capitaine et je ne le trouverai pas puisque j'apprends qu'il a battu en retraite de 1500 mètres. Je retourne au Moulin de BETHINCOURT, mauvaise nuit passée sous les obus, trois qui tombent à côté de notre grange n'éclatent heureusement pas car nous aurions sauté. je me recommande à Dieu et à la Vierge et je pense plus que jamais à ma famille.
situation du Moulin de Raffecourt, souvent appelé Moulin de Bethincourt
Vendredi 18/09 : Nous procédons à une bien triste cérémonie. Un caporal du 112e qui a été tué la veille est enterré par quatre hommes. Quatre autres présentent les armes et toute la compagnie ensuite salue militairement ce pauvre camarade mort pour la patrie. Je n'avais jamais entendu comme oraison funèbre le bruit sourd du canon et le crépitement des obus qui éclatent. Que c'est triste ! Nous venons de quitter le Moulin de BETHINCOURT ; ma section est restée la dernière pour attendre la compagnie qui doit nous remplacer. Je suis étonné de voir arriver le restant du dépôt que nous avons laissé à ANTIBES. Je vois Martin et n'ai pas le temps de lui demander des nouvelles. Demain je l'espère nous nous reverrons, nous aurons le temps de causer. Nous voici dans les champs, une batterie allemande nous repère et nous envoie deux volées d'obus qui ne nous atteignent pas. La compagnie qui nous précédait de peu, a eu huit blessés, ce qui nous fait onze depuis hier matin. Maintenant nous sommes en arrière dans des tranchées et près de CHATTANCOURT, je crois que nous cantonnerons au village.
Samedi 19/09 : Nous avons cantonné au village, nous avons enfin mangé convenablement. Il y avait plus de deux jours que nous vivions de pain, biscuits et viande de conserve. Nous attendons et faisons pendant ce temps un bon pot au feu. Le soir nous partons pour aller coucher à MARRE.
Dimanche 20/09 : On nous réveille à 02h00 du matin et nous partons. Les Allemands nous ont attaqués. La 30e division est devant nous et la fusillade est très vive. Nous sommes en réserve et attendons les ordres dans un pré, nous avons les pieds trempés et il fait froid. Nous passons la journée en plein champ sous une pluie torrentielle. A la nuit nous faisons 25 km pour aller cantonner à FROMEREVILLE, nous nous couchons à 01h00 le matin et repartons à 05h00.
Lundi 21/09 : Nous passons à DOMBASLE en ARGONNE, nous nous arrêtons à RECICOURT et après la pause nous allons à PAROIS où nous cantonnons.
Mardi 22/09 : Avons pris une bonne nuit coupée par une fausse alerte. Il est midi et nous sommes prêts à partir. Le départ a lieu à 14h00. Nous faisons 6 km et nous voilà à NEUVILLY et nous faisons la pause tout en reprenant contact avec l'ennemi.
Mercredi 23/09 : Nous sommes revenus à PAROIS, j'en suis à me demander ce que l'on veut faire de nous. Nous y passons la journée et le soir à 18h00 nous venons protéger l'état-major et nous couchons en plein air.
Jeudi 24/09 : Nous venons à AUBREVILLE et nous le quittons immédiatement pour venir sur la ligne de feu. Nous sommes en face de l'ennemi à 800 m. Nous creusons des tranchées dans un terrain argileux très difficile à travailler. De temps en temps quelques coups de feu. Enfin les tranchées sont prêtes, les petits postes en place et comme je suis sergent depuis hier je reste avec ma demi-section. Mauvaise nuit. Nous avons dissimulé les tranchées sous des branches, mais le froid se fait sentir et comme la nuit précédente, j'en souffre beaucoup. Nous n'avons rien mangé depuis 36 heures ; En arrivant nous faisons une bonne soupe avec du riz et un potage de conserve. Nous faisons bouillir quelques pommes de terre et c'est tout notre repas. A la nuit on distribue le pain (
) que nous mordons à belles dents et nous essayons de dormir ensuite.
Vendredi 25/09 : Nous sommes debout depuis 04h00 du matin, nous faisons le café et nous cuisons la viande que nous mangerons dans un instant, les fusils et cartouches près de nous qui sommes attentifs à ce qui se passe dans le bois en face. A 16h00 la fusillade commence les Allemands nous tirent dessus. Pour cacher notre effectif nous ne répondons pas à leur feu. Personne n'est blessé car les tranchées nous abritent bien. On devait nous relever, mais devant cette attaque, pour ne pas faire de mouvement de troupes, on nous laisse, ce qui fait trois nuits à masser à la belle étoile.
Samedi 26/09 : La nuit a été très froide, mais exempte de faits. Je souffre beaucoup du froid. Ce matin et cet après-midi nous supportons une vive fusillade et les obus tombent dru. Nous gardons nos positions. Je crois que l'ennemi se retire vers notre gauche. Réussira-t-on à le déloger de MONTFAUCON où ils sont fortement retranchés ? Nous attendons la relève. La relève ne vient pas et nous restons. Je suis placé en petit poste avec trois escouades devant l'ennemi. Nous les entendons toute la nuit aller et venir, mais ils ne nous attaquent pas.
Dimanche 27/09 : Au réveil on relève mon poste. Je retourne avec mes hommes à ma tranchée. Nous apprenons que nous resterons encore ici plusieurs jours. Nous allons attaquer l'ennemi. L'artillerie prépare le terrain et nous attendons le moment favorable. Deux armées ont livré un grand combat sur notre gauche, de ce combat le sort de la victoire dépendra. Nous devons tenir une armée ennemie, celle qui est devant nous, c'est notre rôle, nous tacherons de le remplir de notre mieux et Dieu fasse que la paix soit prochaine.
Lundi 28/09 : La nuit de dimanche à lundi a été assez tranquille. Fin d'après-midi après un duel d'artillerie, nous avons commencé l'attaque. La fusillade est vive de part et d'autre. Je crois que nous n'avons aucun blessé, les chasseurs ont avancé sur la gauche pour pousser l'ennemi vers nous. Nous sommes toujours dans les tranchées en expectative. De temps à autre la fusillade éclate ce qui ne nous empêche pas de faire la soupe et le café et de manger assez tranquillement. Voilà cinq nuits que nous passons à la belle étoile et il fait rudement froid. Je crains fort qu'on ne vienne pas nous relever aujourd'hui et ce soir nous dormirons probablement ici. Nous sommes au nord d'AUBREVILLE et nous avons AVOCOURT à l'ouest.
à suivre----------------------