Julien LABAT, 112e RI, enfant de Draguignan
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De Maurice MISTRE-RIMBAUD
LABAT Julien Joseph
né le 11 janvier 1882 à Draguignan, Var.
Inscrit au Barreau de cette ville en 1908.
Conseiller municipal depuis 1912
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A la mobilisation, Julien Labat est rappelé au 112e RI de Toulon comme lieutenant de réserve.
Il fait partie de l'offensive du XVe corps en Lorraine annexée, échouant à Dieuze (Moselle) où ce corps constitué essentiellement de Provencaux est injustement diffamé.
Le 14 à Moncourt, 363 soldats, dont les Dracénois Joseph Ayme, Joseph Fieschi, Marius Lambert et Louis Abert sont tués.
Le 20 août, devant la grande offensive allemande de Bidestroff, ce sont 3369 morts pour la France, avec les Dracénois Louis Arnéodo, Edmond Courbeix, Louis Paul, Jean Renoux, Fernand Ollivier et Edouard Truc.
Le régiment de Labat perd 387 hommes !
Le 2 septembre arrive l'ordre pour le XVe corps d'aller renforcer d'urgence la IIIe Armée dans la région de Bar-le-Duc (Meuse).
Par marches forcées, brûlant les étapes, sans repos depuis le 20 août, après avoir participé à l'offensive du Grand Couronné de Nancy, les soldats du XVe C.A. se dirigent vers l'ouest, où va se livrer la "bataille de la Marne".
Arrivés à Bar-le-Duc, le 7 septembre au matin, les soldats, sans repos, sans ravitaillement, minés par la "cholérine" reçoivent l'accueil délirant d 'une population anxieuse.
Sans tarder, les régiments se reforment : les chasseurs alpins et le 112e sur la crête entre Véel et Fains, le 111e d'Antibes en arrière, à 1500 mètres à l'est ; mais toujours pas d'intendance et pour tout ravitaillement, une seule distribution de pain.
Les hommes se partagent les fonds de musette, arrachent quelques prunes vertes qui pendent aux arbres et en cette chaude journée, mendient l'eau rare que les villageois tirent inlassablement de leurs puits, vite épuisés.
Vassincourt est laissé aux mains de l'ennemi. C'est un coup dur.
Il est temps pour le XVe C.A. d'entrer en action.
Le 111e et le 112e sont dirigés sur le chemin du Goulot à Mussey, sur le chemin du bois de la Vaux-Vautier et à Couvonges.
Mardi 8 septembre, 4h30, Vassincourt, sérieusement défendu par une brigade wurtembergeoise, est attaqué à droite par le 5e corps, au centre par le 112e RI de Labat, à l'ouest par le 6e BCA.
Ce village se trouve sur une hauteur qu'entoure une série de crêtes.
Une charge à la baïonnette du 112e RI mène ses fantassins jusqu'à l'entrée de Vassincourt où ils sont fauchés par les mitrailleuses allemandes.
A 32 ans, le lieutenant Labat tombe au cours de l'assaut, ainsi que 153 hommes de son régiment.
Un autre Dracénois, le forain Siméon Minini du 111e RI est tué le lendemain dans ce même combat.
Le lieutenant Labat est inhumé au milieu de la rue Haute de Vassincourt
(où sa tombe fut régulièrement fleurie
par une famille qui avait adopté ce fils de la Provence tombé si loin des siens)
La triste nouvelle arrive à Draguignan le 10 octobre.
Immédiatement, le maire, Gustave Fourment fait mettre en berne le drapeau de la mairie.[A]
Le 10 janvier 1915, (veille du 33e anniversaire de Julien Labat) en début de séance du conseil municipal, Fourment fait une allocution solennelle avant de découvrir une plaque dans la salle, à la mémoire de son administré, "c'est dans cette maison qu'il remplissait avec dévouement et distinction son mandat de défenseur des intérêts de la cité."[B]
L'émotion est forte dans la ville, elle occasionnera le réveil de vils instincts avec l'affaire des prisonniers allemands.
Julien Labat est cité à l'ordre de la division le 2 février [C]:
"tué le 8 septembre en conduisant sa compagnie
à l'assaut d'un village fortifié
et défendu par de nombreuses mitrailleuses".
Le 21 juin 1915, le conseil municipal ratifie une disposition par laquelle les parents [1] de Julien Labat, décédés à leur tour , lèguent à la ville, la somme de 25 000 francs pour un monument à la mémoire des soldats morts pour la patrie.
Le maire en profite pour soumettre avec succès à ses élus, de débaptiser la rue du Champ de Mars pour en faire la rue... Labat, en souvenir de ce jeune Dracénois et de ses généreux parents.
Le stade de la route de Lorgues prit également le nom de Julien Labat.
En juin 1921, le corps de Julien LABAT retourne "au pays" et dans la tombe familiale; les obsèques sont émouvantes. [D]
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[1]Albert Labat, généreux bienfaiteur de la Commune, décèdera
le 28 mai 1915 et sa femme, Berthe, le 9 juin !
[A] LE VAR 11 octobre 1914 (Bibliothèque Municipale de Fréjus)
[B] LE VAR 24 janvier 1915 (Bibliothèque Municipale de Fréjus)
[C] J.O. du 18 mars 1915
[D] LE VAR 19 juin 1921 (Bibliothèque Municipale de Fréjus)