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De Maurice MISTRE-RIMBAUD

Sources:
Henry ANDRAUD "Quand on fusillait des innocents" Gallimard 1935
Jacques GIRAULT "Le Var rouge" publication de la Sorbonne 1995
Témoignage de sa petite-fille
.

 

 

 

La réhabilitation des fusillés pour l'exemple est un devoir d'honneur.
Réhabiliter les fusillés, c'est refuser l'arbitraire et le crime
en toutes circonstances, d'où qu'ils émanent.

Un nom, une place  ! 

Dans le Var, au cours de la guerre de 1914-1918, il a été recensé 2 martyrs.
Après le récit du triste parcours d' Auguste ODDE,   voici celui  de

MARCEL Marius Casimir [1]   
Cultivateur, né le 31 mars 1881 à Carcès,
de Martin et Bech Alexandrine,
habitait au pont d'Argens n° 14 à Carcès.

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Rappelé le 2 août 914, il arrive au 4e Régiment d'Infanterie Coloniale à Toulon le 11 août et passe au 7e R.I.C. de Bordeaux le 6 septembre 1914.
Il participe avec la 2e division d'infanterie coloniale :
- en 1914, aux batailles des frontières (22 août : Rossignol ; 24 août : St Vincent),
puis avec la 3e division d'infanterie coloniale, à la première bataille de la Marne (7 septembre : Vitry).
- en 1915, à la première bataille de Champagne (Ville-sur-Tourbe)

En mai 1915, les Allemands déclenchent une attaque sur Ville-sur-Tourbe. Depuis plus de huit mois, ils ne cessent de bombarder ce village. Le 15 mai, le 1er bataillon du 7e RIC tient les premières lignes devant Ville-sur-Tourbe. La 4e compagnie de Marius MARCEL occupe l'ouvrage "Pruneau".

La matinée et l'après-midi avaient été calmes, quand soudain, vers 18h, trois fourneaux de mines
allemandes [2] sautent, bouleversant le secteur et ensevelissant des hommes dans la tranchée. Au même instant, la vague allemande écrase les survivants  sous une pluie de grenades.

Un rapport de treize pages du Journal des Marches et Opérations du 7e RIC narre ainsi ce combat de nuit apocalyptique :

"Le soir du 15 mai, à 18h30, trois commotions énormes et presque simultanées furent ressenties dans tout le secteur et trois cratères s'ouvraient sous les tranchées de première ligne de la face nord des ouvrages... L'ennemi, alors que les mottes de terre de l'explosion tombaient encore, a fait irruption dans nos tranchées et est parvenu en foule nombreuse dans notre tranchée de soutien, d'où pêle-mêle avec nos hommes, il a essayé de se prolonger dans les boyaux de communication conduisant à la tranchée 14...
Ces fourneaux ont fait sauter nos tranchées ou les ont recouvertes chacun sur une cinquantaine de mètres de long, enterrant sur ces étendues, des sections.
A la faveur des explosions et par les brèches produites dans nos défenses, plusieurs colonnes d'assaut tenue prêtes en face de ces brèches faisaient irruption dans nos lignes. La hâte des premiers assaillants fut telle que plusieurs sautèrent ou furent ensevelis par les terres de l'explosion.
Sans doute, quelques uns de nos soldats, soufflés de très près par l'explosion n'ont résisté à l'épouvante et se sont refugiés vers l'arrière ; il semble que ce soit l'exception, car nous voyons au contraire des centres de résistance se former dans les portions de la tranchée de première ligne restées intactes entre les cratères..."

Bilan : 4 officiers tués, 4 blessés ; 77 hommes tués, 159 blessés, 165 disparus ; 350 prisonniers allemands faits.

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Quatre marsouins de la 4e compagnie du 7e RIC (Farjounel, Marcel, Perron et Daspe) avaient réussi à se dégager émergeant de la glèbe, sans arme et errant à la recherche du reste de leur régiment.

"Quelques coloniaux restés debout essayèrent de résister à coups de fusil, mais submergés, déjà presque encerclés, ils reculèrent et partirent avec leur chefs, se retrancher sur la ligne de soutien.
Tout le monde a reculé à la guerre. Les généraux pour se "replier sur des positions préparées à l'avance". Les hommes par ordre, ou parce qu'ils ne pouvaient plus résister.

Le soldat Marcel se trouvait, au moment où explosèrent les mines - il faut donner cette précision - aux feuillées et n'avait naturellement ni fusil, ni équipement. Renversé, à demi couvert de terre et d'ordure, il se dégagea et voulu, dit-il courir à son poste ; mais il suivit le mouvement de repli. Il ne put rallier de suite les débris de sa compagnie qui avait été presque entièrement ensevelie, et où l'on se retrouva à 27, après la contre-attaque"  [3]

Le capitaine Kaufmann du 7e RIC, 1ère Compagnie, les croise, les apostrophe et les fait emprisonner sur le champ à Maffrécourt (Marne). Traduit devant le conseil de guerre de la 3e division coloniale, le 28 mai, Marius MARCEL est accusé et condamné à mort pour "abandon de poste en présence de l'ennemi" avec les soldats Farjouvel, Perron et Daspe.
Ils sont fusillés, le lendemain, à 7h du matin, devant le régiment rassemblé, exception faite pour Daspe, gracié à la dernière minute.
[4]

Le député socialiste SFIO Henry ANDRAUD [5] écrira "le soldat Marius MARCEL, du 7e colonial, fut assassiné selon les formes les plus régulieres, le 29 mai 1915".

L'acte de décès, signé par un lieutenant du 7e RIC, indique "décédé à Maffrecourt (Marne) 7h du matin, le 29 mai 1915" ! mais sans la mention "Mort pour la France".
Il est transcrit sur le registre de la mairie de Carcès le 6 août 1915. Imaginons la stupeur de sa femme et de son enfant âgé de 4 ans !    

(à suivre)

Maurice MISTRE
Des républicains diffamés pour l'exemple, 2004
La légende noire du 15e corps, 2008

notes :
[1] Arch.Dép. 1R830 n° 2537. Sa fiche matricule  ne possède plus un papillon qui a du être décollé ! Aucune mention "MORT POUR LA FRANCE"
[2] Cela consiste à creuser un tunnel jusque sous les lignes asdverses, aménager une chambre qui est bourrée d'explosifs et la faire exploser.
[3] Henry Andrand, Quand on fusillait les innocents, Gallimard 1935 p. 147-150
[4] Date de la Grâce : 26 juin 1915, peine communée en 10 ans de prison
[5] voir 3