Souvenirs de Guerre
de Hugues DELPHIN,
maréchal-des-logis à la 2ème batterie du 19è R.A.C.
---------------------------------------------------------------
DIEUZE, le 11 août 1914 (note 1)
Après la destruction de deux batteries de notre groupe, nous fûmes affectés à diverses missions et ce n'est qu'au bout de quelques jours que notre deuxième batterie du 19è R.A.C. fût affectée au 4è groupe du 38è R.A.C.
Auparavant, notre batterie restait avec le 38è R.A.C. en attendant l'affectation officielle et c'est à ce moment que nous prîmes la deuxième pilule.
Avec une intelligence remarquable, le Haut-Commandement nous avait fait placer en batterie sur le champs de tir de l'armée allemande (nous étions en Allemagne). La riposte fut rapide : en un clin d'oeil alors que j'étais au poste de commandement avec le commandant, car j'avais repris mon rôle d'éclaireur agent de liaison, nous vîmes des fantassins partant vers l'arrière à toute allure, sans leurs armes, certains même sur les chevaux des artilleurs qu'ils avaient volés au passage.
Le commandant nous donna pour mission d'arrêter les fuyards non blessés, et le cas échéant, de les abattre. Nous n'eûmes pas le temps d'intervenir ; les balles sifflaient et nous ne pouvions plus faire qu'une seule chose : sauver nos canons en utilisant les quelques chevaux qui restaient ; ce que nous avons pu faire grâce aux chasseurs alpins du 6è bataillon (note 2) qui , se repliant en combattant, se mirent devant nous pour nous permettre de partir. La plupart d'entre eux furent tués.
Notre retraite nous conduisit à 70 km à l'arrière. Nous étions restés deux jours et deux nuits dans la bagarre. Les chevaux étaient exténués, quant à nous, nous dormions sur nos chevaux en marche.
Cette aventure eut un épilogue : on annonça que le 15ème corps avait fuit. En réalité, plusieurs régiments avaient effectivement lâché, mais tous les bataillons de chasseurs, l'artillerie et la cavalerie, ainsi que plusieurs régiments d'infanterie s'étaient fait décimer.
Il fallut deux ans pour faire cesser cette triste réputation du 15ème corps. Il est vrai que l'on fusilla bon nombre de troufions pour des broutilles ; je cite à titre d'exemple : dans la Meuse, un soldat fusillé pour avoir volé des pommes de terre ...
------------------------------------encore merci à Norbert, son petit-fils
Notes :
1 - le 20 août d'après tous les récits
2 - ainsi que les 23 et 27e B.C.A.
Jules nous a quittés à l'âge de 102 ans sans avoir pu bénéficier des avantages des anciens combattants comme cela était fréquent ici.Je suis à la recherche de documents sur les recrues martiniquaises de cette époque agitée.Merci de m'indiquer des pistes sérieuses .