Vassincourt, 14 septembre 1914
de Pol CHEVALIER, ancien Maire de Bar le Duc
"J'étais à Vassincourt. Pris et repris, pris encore et repris à nouveau, le malheureux village offrait le spectacle d'une dévastation complète : décombres, cadavres, armes, casques, képis, etc... tout cela jonchait le sol des rues et des maisons, dans un pêle-mêle indescriptible, et, brochant sur l'ensemble, la tour décapitée et crevée de l'Eglise laissant voir les cloches fêlées...
En bordure de la route, gisaient des cadavres d'allemands repoussés le jeudi. L'un d'eux m'intrigua... un calepin dépassait de l'une de ses poches ; je l'ouvris. Il renfermait le portrait d'une femme d'une cinquantaine d'années : sa mère sans doute. Son dernier soupir à dû s'exhaler dans ce suprême appel : "Maman !" Je refermais le calepin avec la plus douloureuse pitié, le remis dans la poche et m'en allais, chancelant. Pauvres mères, allemandes aussi bien que françaises !"
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Un an, jour pour jour, après la bataille du 10 septembre, je revins. Chemin faisant, mes souvenirs refluaient, et ma pensée aligna les rimes d'un sonnet que je crayonnais sur un mur calciné, lorsque je me retrouvais parmi les ruines de ce village où il n'y avait toujours personne :
Champs à jamais sacrés où l'astre de lumière
A baigné dans la mort ses rayons du matin.
Hameau dont chaque mur se vit être un fortin,
Où ne demeura plus, bientôt, pierre sur pierre.
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Décombres où renaît le vert feston de lierre,
Frêles croix recélant, aux rives du chemin,
Les mânes des guerriers abattus par l'airain,
Guêrets où chaque pas réclame la prière.
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En cet anniversaire, est-ce donc aux douleurs
D'aller sur les tombeaux s'abîmer dans les pleurs ?
Non, la Mort en ces lieux fît oeuvre trop profonde.
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Pas de larmes sur vous, Héros de Vassincourt.
Votre holocauste a su, dans l'histoire du monde,
Buriner pour la France un trop glorieux jour !
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"Bataille de Vassincourt, 6-12 septembre 1914"
Maurice PIERRE
L'ECLAIREUR DE NICE 19 FEVRIER 1915