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Sur les traces des "Midis" du XVe Corps - guerre 1914-1918
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26 octobre 2006

Bataille de la Marne (2) - le 6ème B.C.A le 7 septembre

                     En souvenir de Terrisse Auguste,  de Meyras, Ardèche

                                     Chasseur de 1ère classe au 6è B.C.A.

                                            du 3 août 1914 au 19 août 1919

Texte composé par  Jean-François BURAIS à partir de différents témoignages.

Le 6ème B.C.A. à Vassincourt (1ère partie)

Lundi 7 septembre 1914
1h – départ de Guerpont sur Bar-le-Duc et Véel. Tout le monde tombe de fatigue.

La route est encombrée par une colonne de civils, surtout femmes et enfants fuyant l’envahisseur, emportant, certains un simple paquet, d’autres poussant une brouette ou une voiture d’enfant, d’autres encore juchés sur des voitures, ou des charrettes et poussant leur bétail.

Je croise une vieille grand-mère qui s’est toute endimanchée pour l’occasion, afin d’emporter sur elle toutes ses richesses. Elle pousse péniblement dans une brouette de campagne un petit gamin. Pauvre gosse, il est tout heureux et souffle désespérément dans un mirliton.

Tous ces gens surpris par l’ordre d’évacuation ont rassemblé à la hâte ce qu’ils pouvaient emporter et se sont mis en route sans savoir bien souvent de quel côté se diriger.

Vision lamentable qui me fait faire la réflexion : « il n’y a pas, il faut se faire tuer s’il le faut, mais venger ces pauvres gens ».

La pluie vient doubler notre fatigue du jour ! La colonne stoppe.
Est ce la peine de faire une pause ? On attend, on hésite, et bientôt un homme, puis deux, puis toute la section se couchent dans les fossés, comme résignés. Ah ! Ces arrêts, auteurs de désordre et de lassitude, qui par les à-coups qu’ils produisent, donnent l’impression d’un manque de méthode. Ils vont me rester longtemps gravés dans l’esprit.


Avant d’arriver à Bar-le-Duc, déjà la moitié du bataillon est à la traîne.

Pour me donner du courage et pour oublier la dysenterie qui me ronge les intestins j’essaye de me remémorer un vieil air appris à Peira Cava pendant mes classes :
            A quelle triste vie ?
            Que la vie de chasseurs !
            Qui vont là- bas à Nice !
            Comme des travailleurs !
            Quand toute la semaine !
            On a bien travaillé
            La salle de police
            Est là pour nous soigner (bis)……


Harassés de fatigue, nous marchons plus avec le cœur qu’avec les pieds.

7h – arrivée à Bar-le-Duc. Pour la première fois, nous avons laissé des traînards en route. Le bataillon est émietté, désagrégé, et pourtant il avance toujours.
Les gens de Bar-le-Duc nous regardent passer, avec une douloureuse émotion, on ne lit dans leurs yeux aucun reproche, je pense qu’ils sentent que nous ne pouvons pas faire d’effort plus grand. Ils ont devant eux un bataillon fantôme.

A Fains un pauvre ouvrier et sa petite fille ayant reçu l’ordre d’évacuer, nous donnent ce qu’il leur reste de victuailles en disant :

« Il vaut mieux que ce soit vous, que les Allemands qui en profitent ».

Le commandant arrive et attrape le Lieutenant Marc parce qu’il nous a permis de faire un café en attendant les traînards. Nous aurions dû aller sur la position d’abord et coûte que coûte.

Nous partons. Arrivés sur la position, la compagnie est représentée par Lieutenant Marc, Martinaggi, moi et 4 chasseurs. Le capitaine Faulconnier a été évacué, que faire ? Harassés, nous nous couchons.

Des traînards rejoignent petit à petit. D’autre part comment mettre une position en défense avec les quelques malheureuses petites pelles pioches dont nous pouvons disposer.
Toute la journée, un par un ou par petits groupes, les retardataires rejoignent leurs unités. « Les poussins égarés retrouvent l’aide protectrice de leur mère » dira l’un d’entre nous.

10h – le bataillon se rassemble à Véel avec le 24eme pour constituer un détachement de flanc. Il fait une chaleur lourde, nous apercevons au loin vers le nord, dans la direction de Laimont et Louppy le château, de l’autre côté du canal de la Marne au Rhin, comme de légers flocons de nuages. Ce sont les éclatements de l’artillerie adverse.

Un civil qui observe à l’aide d’une lunette dans la direction des explosions est ramené par le Lieutenant de Bertrand et présenté au Commandant. Le devenir de cet homme je n’en sais rien, espionnage ou curiosité procèdent trop souvent d’une façon semblable.

Nous n'avons rien mangé depuis deux jours.

15h – arrivée à Véel, le bataillon marche sur la ferme du Goulot et Couvonges.            

17h – nous occupons la ferme du Goulot. La ferme est pleine d’oies, de canards, de poulet etc.… je trouve le fermier et marchande avec lui pour lui en acheter. Je me dispute avec lui car il en veut un prix exorbitant.
Les avant-postes sont pris en avant de la ferme face à l’Ouest. La lune s’est levée, et la nuit s’annonce calme et belle, nous nous roulons dans nos manteaux à même le sol et nous nous endormons sur place. Voila bien l’agrément de la vie de campagne ! On se couche là où l’on se trouve.

Comme par hasard nous sommes dans un champ de betteraves !

Oh ! Ces champs de betteraves des plaines du nord ! J’en garde le souvenir hallucinant, car combien de fois ils furent le théâtre de nos luttes et de nos peines ! Le train régimentaire qui nous a laissés à Badonvillers et qui a rejoint par la route, nous ravitaille pendant la nuit.

Nous passons une nuit à la belle étoile, qui mérite pour une fois sont épithète, sans que la pluie vînt nous transpercer les os et la peau.

                                                         

(à suivre)

8h – le bataillon se porte sur une crête entre Fains et Véel et l’organise définitivement.
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